Alors que 8,2% des étudiants sont restés seuls dans leur logement pendant le confinement (graphique 3), près des trois quarts des répondants ont vécu cette période avec une à trois personnes. La composition des ménages confinés est très variable et inclut selon les cas des parents, des enfants, des amis, le compagnon ou la compagne, des membres de la famille plus ou moins éloignée, etc. Les deux tiers des étudiants ont passé cette période avec au moins un de leurs parents, près de la moitié (45 %) avec leurs frères et sœurs, un quart (24,5%) avec leur compagnon ou compagne, parfois dans leur belle-famille. Quelques-uns (N = 14) ont des enfants ou étaient confinés avec des enfants, ou avec leurs grands-parents (N = 14). Les situations de colocation sont rares : 2%.
Graphique 3. Avec combien de personnes êtes-vous confiné.e?
Le confinement s’est par ailleurs traduit par une intensification des contacts (notamment téléphoniques) avec la famille, les amis et, moins souvent, avec les camarades de promotion (graphique 4). Ainsi, ils sont 28% à avoir eu des contacts beaucoup plus fréquents et 35% à avoir eu des contacts un peu plus fréquents avec leur famille ; 17,1% ont eu des contacts beaucoup plus fréquents et 28% ou un peu plus fréquents avec leurs amis. En revanche, près d’un quart a eu des contacts un peu ou beaucoup moins fréquents avec ses camarades de promotion.
Cette fréquence des contacts, concentrée sur le cercle familial et amical, n’a pas empêché 69 % des étudiants de s’être senti « plus isolés que d’habitude ». Cette proportion est encore plus forte parmi la minorité de l’échantillon (8%) à avoir traversé le confinement en solitaire : ces derniers se sont sentis plus isolés que d’habitude dans près de 8 cas sur 10. Le confinement a été particulièrement éprouvant psychologiquement pour ces étudiants. Le téléphone et les appels en visioconférence ne compensent qu’imparfaitement, de leur point de vue, les relations en chair et en os.
Graphique 4. Depuis le confinement, les contacts (notamment téléphoniques ou sur les réseaux sociaux) avec vos ami.e.s, votre famille, vos camarades de promotion ou d’autres personnes sont-ils plus ou moins fréquents que d’habitude ?
Les étudiants de licence ont été confinés en moyenne dans des ménages plus grands que les étudiants de master : ils sont plus souvent retournés chez leurs parents et habitent moins souvent avec leur compagnon, ce qui s’interprète comme un effet d’âge : les étudiants de licence sont plus jeunes et moins souvent installés en couple.
On constate en effet un mouvement de retour massif dans la sphère parentale : près de la moitié des étudiants (48,9 %) a quitté son logement pour rejoindre des parents ou des proches. Les raisons évoquées pour cette re-cohabitation familiale, fournies dans l’une des questions ouvertes du questionnaire, sont en premier lieu la peur de l’isolement, parfois le désir d’aider des proches, mais elles sont également matérielles : ressources financières limitées, caractéristiques du logement, qu’il s’agisse de sa taille (les chambres du Crous et leurs 9m2 sont souvent mentionnées), du manque de fenêtres ou de l’absence d’internet. Enfin, les difficultés relationnelles avec les colocataires ont pu motiver ce retour dans le giron familial, qui a d’ailleurs pu être imposé par les parents (« Mes parents m’ont ordonné de les rejoindre avant même le début du confinement. »). Il s’impose aussi parfois par la force des automatismes d’une cohabitation parentale pendulaire, rythmée par la fréquentation de l’université (« Quand je n’ai pas cours, je rentre chez mes parents donc quand les facs ont fermé, c’était un automatisme de rentrer »).
Ce retour vers la famille a permis à beaucoup d’étudiants de bénéficier de conditions d’hébergement jugées plus propices à cette période : près des deux-tiers (62,9%) ont été confinés dans une maison avec jardin ou terrasse, majoritairement (53,4%) en ville. Cependant, un quart (24,9%) des étudiants a vécu dans un logement sans accès extérieur et 2% d’entre eux sont restés en résidence universitaire.
L’un des enjeux de cette étude concerne l’incidence de la crise sanitaire sur les conditions d’études. Alors que beaucoup d’étudiants précisent des conditions de logement propices au travail universitaire (« présence d’un bureau pour travailler », « d’une chambre pour chaque enfant » etc.), près d’un sur cinq (130), déclarent ne pas avoir eu de pièce dans laquelle s’isoler (souvent, alors, ils partagent une chambre avec un membre de la fratrie ou dorment dans le salon).
Précisons : un peu plus de 60% des étudiants peuvent s’isoler quand ils le veulent dans un espace tel qu’un bureau ou une chambre pour travailler, 20% peuvent s’isoler dans ce type de pièce à certains moments de la journée seulement, 11% jamais, ce qui rend difficile la conciliation entre la vie universitaire et de la vie quotidienne. Le constat général de cette étude est, sans grande surprise, le contraste fort entre une proportion non négligeable d’étudiants ayant connu des conditions de confinement jugées somme toute confortables (ce que certains expriment dans leurs commentaires) et des franges numériquement non négligeables de situations diversement défavorables.
Ainsi, lorsque l’on regarde leurs tâches quotidiennes, alors que 62,4% des étudiants s’occupent (exclusivement) d’un animal de compagnie, certains cumulent d’importantes charges quotidiennes (des personnes à charge notamment) associées au confinement. Garde d’enfants et aide aux devoirs concernent respectivement 17% et 29% des cas. Un cinquième des étudiants (19,6%) aident des personnes malades ou fragiles, et 15,8 % leurs parents, ces situations pouvant se recouvrir. Quelques cas, statistiquement marginaux, permettent de mesurer l’étendue du spectre des situations sous le rapport des charges induites par le confinement : alors que 7% disent ne s’occuper de personne de manière régulière, certains, infirmiers en Ehpad ou enfants d’agriculteurs aidant aux tâches quotidiennes de l’exploitation agricole familiale, sont sur-sollicités pendant cette période[1]. Par ailleurs, parmi les étudiants enquêtés, 11 sont parents d’un ou deux enfants. Enfin, outre les personnes charge, certains étudiants ont vu leur volume horaire de travail salarié augmenter. Nous y reviendrons.
Des analyses ultérieures réalisées à partir de l’origine sociale devraient permettre de tester l’hypothèse d’inégalités liées au milieu d’origine dans ces différences de situations.
[1] Les résultats de cette question sont à interpréter avec des réserves dans la mesure où un problème de codage a obligé certaines personnes, au début de la passation, à déclarer des charges quotidiennes alors qu’elles n’en avaient pas nécessairement – ce qu’elles mentionnent parfois dans la question ouverte suivante. Ce problème a été réglé en cours de passation et avant les relances.
Lien vers l’enquête complète: http://amiens-sociologie.fr/index.php/enquete-sur-le-confinement-des-etudiants-de-lupjv/