S3 Sociologie & histoire

CM/TD L2S3 Sociologie & histoire

Isabelle CHARPENTIER

icharpentier@yahoo.fr ou isabelle.charpentier@u-picardie.fr

Année universitaire 2018-2019 (24 h)

 

 

« Je ne sais pas ce que le passé nous réserve. »

Françoise Sagan

Résumé

Auparavant disciplines « concurrentes », sociologie et histoire entretiennent depuis longtemps des rapports étroits et dialoguent entre elles : alors que la sociologie constitue un moyen de mieux comprendre l’histoire, l’histoire constitue une discipline essentielle à l’exercice de la sociologie. Ce CM/TD (assiduité obligatoire) a pour objectif de montrer que le chercheur en sciences sociales (qu’il soit sociologue, démographe ou anthropologue) ne peut pas se dispenser d’une mise en perspective historique de ses objets d’étude. La démarche sociogénétique (Norbert Elias) lui permet de déconcerter les impressions premières, de contextualiser et de déconstruire les catégories instituées et les faits sociaux. Pour illustrer la place qu’occupe l’histoire dans la démarche sociologique, nous étudierons d’abord l’importance des travaux d’histoire sociale pour comprendre les évolutions sociohistoriques de la conflictualité sociale, celles des classes sociales et de leurs luttes, celles du salariat et des conflits du travail, dans un contexte de mutations de ce dernier (Edward P. Thompson, Robert Castel). Dans cette lignée, nous reviendrons aussi sur l’évolution de deux « répertoires d’action collective » (Charles Tilly), la grève (Stéphane Sirot) et la grève de la faim (Johanna Siméant), pour en proposer une socio-histoire. Enfin, nous montrerons les apports de la discipline historique à la science politique et à la sociologie du genre, en nous appuyant sur l’exemple de l’interdit du vote des femmes en France sous la Troisième République, qui éclaire nombre de débats actuels sur la place des femmes en politique et les réticences qu’elle continue de susciter.

Evaluation

Un examen écrit de 2 heures lundi 3 décembre 2018, de 16h à 18h, où les étudiant-e-s traiteront au choix 2questions de cours parmi les 4 proposées. Aucun document ne sera autorisé.

Pour les étudiant-e-s dispensé-e-s d’assiduité : mêmes modalités de contrôle continu que les autres.

 N.B. :

La présence au CM/TD étant obligatoire, un appel des étudiant-e-s présent-e-s sera réalisé systématiquement au début de chaque séance. La ponctualité est demandée.

Il est rappelé qu’au-delà de 2 absences injustifiées, l’étudiant-e non dispensé-e d’assiduité (salarié-e, sportif-ve de haut niveau, responsabilités parentales, doubles inscriptions…, sur présentation des justificatifs requis à la scolarité concernée et à l’enseignante) sera déclaré-e défaillant-e. Il/elle ne pourra se présenter qu’à la seconde session d’examen. Aucune dérogation à ces règles fixées par le règlement intérieur des études ne sera tolérée.

PLAN DE COURS

INTRODUCTION – Eléments de cadrage théorique & méthodologique

1) Des disciplines ennemies devenues complémentaires

2) La démarche sociogénétique de Norbert Elias, entre sociologie & histoire : un cas emblématique

Bibliographie générale & pour l’introduction (en gras, les articles gratuitement accessibles en ligne)

– Artières (Philippe), Laé (Jean-François), Archives personnelles. Histoire, anthropologie et sociologie, Paris, Armand Colin, 2011.

Baechler (Jean), Nature et histoire, éléments de sociologie historique, Paris, PUF, 2001.

– Bloch (Marc), Histoire et historiens, Paris, Armand Colin, 1995.

Bourdieu (Pierre), « Sur les rapport entre la sociologie et l’histoire en Allemagne et en France. Entretien avec Lutz Raphael », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 106-107, 1995, pp. 108-122.

– Buton (François), Mariot (Nicolas) [dir.], Pratiques et méthodes de la socio-histoire, Paris, PUF, coll. « Curapp », 2009.

– Buton (François), Mariot (Nicolas), « Socio-histoire », in Dictionnaire des idées, 2e vol. de la collection des « Notionnaires » de l’Encyclopaedia Universalis, 2006, pp. 731-733.

– Déloye (Yves), Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2007.

– Elias (Norbert), “The Retreat of the Sociology into the Present”, Genèses, n° 52, 2003, pp. 133-151 [e.o. : 1987].

– Garrigou (Alain), Lacroix (Bernard, [dir.], Norbert Elias, la politique et l’histoire, Paris, La Découverte, 1997.

– Guibert (Joëll), Jumel (Guy), La Socio-histoire, Paris, Armand Colin coll. « Cursus Sociologie », 2002.

Heinich (Nathalie), La Sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, 2002.

Heinich (Nathalie), Dans la pensée de Norbert Elias, Paris, CNRS Edition, 2015.

Histoire@politique, n°2, septembre-octobre 2007 : « Le pouvoir politique et l’histoire ».

Kalberg (Stephen), La Sociologie historique comparative de Max Weber, Paris, La Découverte, 2002.

– Leroux (Robert), Histoire et sociologie en France : de l’histoire-science à la sociologie durkheimienne, Paris, PUF, 1998.

– Loriga (Sabina), Soldats. Un laboratoire disciplinaire : l’armée piémontaise au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles lettres, 2007.

– Muel-Dreyfus (Francine), Le Métier d’éducateur. Les instituteurs de 1900, les éducateurs spécialisés de 1968, Paris, Minuit, 1983.

– Muel-Dreyfus (Francine), Vichy et l’éternel féminin. Contribution à une sociologie politique de l’ordre des corps, Paris, 1996.

– Noiriel (Gérard), Introduction à la socio-histoire, Paris, La Découverte, coll « Repères », 2006.

– Offerlé (Michel), « De l’histoire en science politique. L’histoire des politistes », in Favre (Pierre), Legavre (Jean-Baptiste) [dir.], Enseigner la science politique, Paris, L’Harmattan 1998, pp. 203-216.

– Passeron (Jean-Claude), « Histoire et sociologie. Identité sociale et identité logique d’une discipline », in Le Raisonnement sociologique. L’espace non poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991.

– Simon (Pierre-Jean), Histoire de la sociologie, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2008.

– Veyne (Paul), Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Points », 1978.

 

CHAPITRE 1. Classes sociales, luttes sociales, conflits du travail & changement social dans un contexte de mutations du travail

 

Section 1. La « formation de la classe ouvrière anglaise ». Les apports de l’analyse d’histoire sociale d’Edward P. Thompson

Section 2. L’apport de l’histoire sociale dans la compréhension des conflits du travail – Socio-histoire d’un « répertoire d’action collective » (Charles Tilly) : la grève

A. La notion de « répertoire d’action collective » (Charles Tilly)

 B. « Les trois âges de la grève » (Stéphane Sirot)

  1. De la Révolution Française à la loi de 1864 : la grève, un fait coupable & marginal
  2. De 1864 à la Seconde Guerre mondiale : dépénalisation de la grève et reconnaissance d’un fait social en voie de banalisation
  3. De l’après guerre aux années 1980 : l’institutionnalisation de la régulation conflictuelle des rapports sociaux
  4. Depuis les années 1980 : métamorphoses & mise sous contrainte croissante du droit à l’action collective

Section 3. L’évolution sociohistorique d’un répertoire d’action collective : la grève de la faim (Johanna Siméant)

 Section 4. Robert Castel : les « métamorphoses de la question sociale » & l’évolution sociohistorique du salariat

A. Pauvres, indigents, vagabonds

B. Du salariat au « précariat »

C. Histoire & problématisation du présent

Visionnage de 4 vidéos :

1) Vidéo de Robert Castel, « Le salariat avant le XIXe siècle » : http://education.francetv.fr/videos/robert-castel-le-salariat-avant-le-xixe-siecle-v104389

2) Vidéo de Robert Castel, « La société salariale » : education.francetv.fr/…/robert-castel-la-societe-salariale -v104390

3) Vidéo de la présentation par Robert Castel de l’ouvrage qu’il a co-dirigé, Castel (Robert), Martin (Claude) [dir.], Changements et pensées du changement – Echanges avec Robert Castel, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines », 2012 : www.youtube.com/watch?v=5_hBFvny1Fg

4) Vidéo de Rober Castel : www.youtube.com/watch?v=f8TCB-JJzHg

 

Bibliographie pour le chapitre 1 (en gras, les articles accessibles gratuitement en ligne)

– Revue Agone, n° 56, 2015 : « Porte-parole, militants et mobilisations ».

– Audigier (François), Girard (Pascal) [dir.], Se battre pour ses idées. La violence militante en France des années 1920 aux années 1970, Riveneuve Edition, 2012.

– Avenel (C.), Thibault (F.), « Précarités et insécurité sociale », Problèmes politiques et sociaux, n° 921, 2006.

– Badie (Bertrand), Stratégies de la grève, Paris, PFNSP.

– Beaud (Stéphane), Pialoux (Michel), Retour sur la condition ouvrière, Paris, Fayard, 1999, chap. 8 « La crise du militantisme ouvrier », pp. 333-374.

– Becquemin (Michèle), Bonici (Marie), Chebroux (Jean-Bernard) [dir.], Usagers, assistance(s), contreparties. En hommage critique à Robert Castel, Paris, Pétra, 2015.

– Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Le Mouvement social en France, Paris, La Dispute, 1998.

– Béroud (Sophie), Sirot (Stéphane), « Du destin à l’histoire : transformations de la grève en France. Entretien réalisé par Carine Eff, Stany Grelet et Victoire Patouillard », Vacarme, n° 26, hiver 2004.

– Bouffartigue (Paul) [dir.], Le Retour des classes sociales. Inégalités, dominations, conflits, Paris, La Dispute, coll. « Etat des lieux », 2004.

– Carré (Jacques), La Prison des pauvres. L’expérience des workhouses en Angleterre, Paris, Vendémiaire, 2016.

– Castel (Robert), Duvoux (Nicolas), L’Avenir de la solidarité, Paris, PUF, coll. « La vie des idées », 2012.

– Castel (Robert), L’Insécurité sociale – Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Le Seuil, coll. « La République des idées », 2003.

– Castel (Robert), Les Métamorphoses de la question sociale – Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.

– Castel (Robert), Martin (Claude) [dir.], Changements et pensées du changement – Echanges avec Robert Castel, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines », 2012.

– Champagne (Patrick). « La manifestation – La production de l’événement politique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 52-53, juin 1984, pp. 18-41.

– Chartier (Roger) [dir.], Figures de la gueuserie, Paris, 1982.

– Cingolani (Patrick), Révolutions précaires, Paris, La Découverte, coll. « L’horizon des possibles », 2014.

– Combes (Hélène), Garibay (David), Goirand (Camille), Les Lieux de la colère, Paris, Karthala, 2015.

Critique internationale, vol. 1, n° 64, juillet-septembre 2014 : « Les conflits du travail dans le monde. Vol. 1. Construire le conflit au travail : des mobilisations entre ruptures, circulations et continuités » et vol. 2., n° 65, 2014 : « Défendre les travailleurs : acteurs, pratiques et enjeux internationaux des relations professionnelles ».

– Darnton (Robert), Le Grand massacre des chats, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1984.

– Delas (J.-P.), Le Mouvement ouvrier, Paris, Nathan-Circa, 1991.

– Depoorter (Pascal), Frigul (Nathalie), « De quoi les Conti sont-ils le nom ? Radicalisation des luttes sociales et restructurations financières », Travail et emploi, n° 137, 2014.

– Dewerpe (Alain), Le Monde du travail en France, 1800-1950, Paris, Armand Colin, 1989.

– Ethuin (Nathalie), Yon (Karel) [dir.], La Fabrique du sens syndical. La formation des représentants des salariés en France (1945-2010), Editions du Croquant, 2014.

– Fillieule (Olivier), Mathieu (Lilian), Péchu (Cécile) [dir.], Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

– Fillieule (Olivier), Péchu (Cécile), Lutter ensemble. Les théories de l’action collective, Paris, L’Harmattan, 1993.

– Flauraud (Vincent), Ponsard (Nathalie) [dir.], Histoire et mémoire des mouvements syndicaux au XXe siècle. Enjeux et héritages, Nancy, Editions Arbre bleu, coll. « Le corps social », 2014.

– Frobert (Ludovic), Les Canuts, ou La démocratie turbulente : Lyon, 1831-1834, Paris, Tallandier, 2009.

– Groux (Guy), Vers un renouveau du conflit social ?, Paris, Bayard, 1998.

– Hocquelet (Mathieu), « Grande distribution globale et contestations locales : les salariés de Walmart entre restructurations discrètes et nouvelles stratégies syndicales », Travail et emploi, n° 137, 2014.

– Images Et Sciences Sociales, n° 1, 2015 : « Les mobilisations Our Walmart, acteurs, actions, rhétoriques (Los Angeles et Chicago, 2013) ».

– Julliard (Jacques), Autonomie ouvrière : études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, Gallimard, 1988.

– Kaplan (Steven), « Les corporations, les faux ouvriers et le faubourg Saint-Antoine au XVIIIe siècle », Annales ESC, n° 2, 1988, pp. 353-378.

– Karila-Cohen (Pierre), Wilfert (Blaise), Leçons d’histoire sur le syndicalisme en France, Paris, PUF, 1998.

– Kergoat (J.), Linhart (D.), Les Transformations du syndicalisme en France, Paris, La Documentation française, 1998.

– Klinger (Myriam), Schehr (Sébastien) [dir.], Les Dynamiques sociales et leurs conflits. Mobilisations, régulations, représentations, Chambéry, Université de Savoie, 2014.

– Labrie (Mathieu), « Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’action mobilisé », Métropoles, n° 16, 2015 [en ligne]

– Le Roy Ladurie (Emmanuel), Le Carnaval de Romans, Paris, Gallimard, 1979.

– Mann (Patrice), L’Action collective. Mobilisation et organisation des minorités actives, Paris, Armand Colin, 1991.

– Mauger (Gérard), « Les ouvriers : un monde défait », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 115, décembre 1996.

– Neveu (Erik), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 1996.

– Noiriel (Gérard), Les Ouvriers dans la société française, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2002 [1ère éd. 1986].

– Offerlé (Michel), Sociologie des groupes d’intérêts, Paris, Montchrestien, coll. « Clefs », 1998.

– Perrot (Michelle), Jeunesse de la grève, France, 1871-1890, Paris, Seuil, 1984.

– Pigenet (Michel), Tartakowsky (Danielle) [dir.], L’Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à nos jours, Paris, La Découverte, 2012.

– Retière (Jean-Noël), Identités ouvrières, Paris, L’Harmattan, 1994.

– Rioux (Jean-Pierre), La Révolution industrielle – 1780-1880, Paris, Seuil, coll. « Points-Seuil Histoire », 1971.

– Revue Savoir/agir, n° 27, 2014 : « Syndicalismes en luttes ».

– Siméant (Johanna), « Brûler ses vaisseaux – Sur la grève de la faim. Entretien », Vacarme, n° 18, hiver 2002, pp. 38-44.

– Siméant (Johanna), « Immigration et action collective : l’exemple des mobilisations d’étrangers en situation irrégulière », Sociétés Contemporaines, n° 20, 1994.

– Siméant (Johanna), « Les sans-papiers et la grève de la faim », Alice, n° 2, été 1999.

– Siméant (Johanna), « Violence d’un répertoire. Les sans-papiers en grève de la faim », Cultures et Conflits, n° 9, printemps-été 1993.

– Siméant (Johanna), La Cause des sans-papiers, Paris, Presses de Science-Po, 1998.

– Siméant (Johanna), La Grève de la faim, Paris, Presses de Science-Po, coll. « Contester », 2009.

– Sirot (Stéphane), 1884, des syndicats pour la République, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. « troisième culture », 2014.

– Sirot (Stéphane), La Grève en France. Une histoire sociale (19ème siècle-20ème siècle), Paris, Odile Jacob, 2002.

– Sirot (Stéphane), Le Syndicalisme, la politique et la grève. France et Europe : XIXe-XXIe siècles, Nancy, L’Arbre bleu, coll. « Le corps social », 2011.

– Tartakowsky (Danielle), La Manif en éclats, Paris, Hachette, 2004.

– Tartakowsky (Danielle), Les Manifestations de rue en France, 1918-1968, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997.

– Tartakowsky (Danielle), Pigenet (Marie), Histoire des mouvements sociaux, de 1814 à nos jours, Paris, La Découverte, 2014.

– Thompson (Edward P.), La Formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1988.

– Tilly (Charles), « Action collective et mobilisation individuelle », in Birnbaum (Pierre), Leca (Jean) [dir.], Sur l’individualisme, Paris, Presses de Sciences Po, 1991 [1ère éd. 1986].

– Tilly (Charles), « Les origines du répertoire d’action collective en France et en Grande-Bretagne », Vingtième Siècle, n° 4, 1989, pp. 89-108.

– Tilly (Charles), « Ouvrir le ‘répertoire d’action’. Entretien », Vacarme, n° 31, printemps 2005.

– Tilly (Charles), La France conteste de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986.

– Tilly (Charles), La Vendée. Révolution et contre-révolution, Paris, Fayard, 1970.

– Travail et emploi, n° 137 & 138, 2014 : « Restructurations, contestations et expériences ».

– Willard (C.), Tartakowsky (Danielle) [dir.], La France ouvrière, 1920-1968, Paris, Editions de l’Atelier, 1995.

 

CHAPITRE 2. Histoire, science politique & sociologie du genre. L’impossible vote des femmes en France (1870-1944)

Section 1. Le contexte économique & social de la révolution industrielle

A. L’instruction des filles

B. Le travail des femmes : « l’ouvrière, mot impie, sordide »

C. La concurrence des sexes

Section 2. Des femmes en politique : la cristallisation des craintes masculines

A. La (vraie) place des (vraies) femmes

B. La politique : une affaire d’hommes

Section 3. « Femmes viriles » & « femmes-hommes », incarnations des peurs masculines

A. « Un homme en jupons »

B. Le repli identitaire de l’homme

C. De la menace pour le corps des femmes à la menace pour l’ordre social

Bibliographie pour le chapitre 2 (en gras, les articles gratuitement accessibles en ligne)

– Achin (Catherine), Bereni (Laure) [dir.], Dictionnaire Genre & science politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.

– Bard (Christine), Baudelot (Christian), Mossuz-Lavau (Janine) [dir.], Quand les femmes s’en mêlent – Genre et pouvoir, Paris, La Martinière, 2004.

– Bergès (Karine), Burgos-Vigna (Diana), Yusta Rodrigo (Mercedes), Ludec (Nathalie) [dir.], Résistantes, militantes, citoyennes. L’engagement politique des femmes aux XXe et XXIe siècles, Rennes, PU de Rennes, 2015.

– Bouglé-Moalic (Anne-Sarah), Le Vote des Françaises. Cent ans de débats. 1848-1944, Rennes, PUR, 2012.

– Capdevila (Luc), « L’identité masculine et les fatigues de la guerre, 1914-1945 », Vingtième siècle, n° 75, juillet-septembre 2002, pp. 97-108.

– Denoyelle (Bruno), « Des corps en élections ; Au rebours des universaux de la citoyenneté : les premiers votes des femmes (1945-1946) », Genèses, n° 31, juin 1998, pp. 76-98.

– Fraisse (Geneviève), Muse de la Raison. Démocratie et exclusion des femmes en France, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1995.

– Lépinard (Eléonore), L’Egalité introuvable. La parité, les féministes et la République, Paris, Presses de Science Po, 2007.

– Marques-Pereira (Bérengère), La Citoyenneté politique des femmes, Paris, Armand Colin, 2003.

– Rennes (Juliette), Le Mérite et la nature. Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige. 1880-1940, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 2007.

– Rosanvallon (Pierre), Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992.

– Scott (Joan W.), « ‘L’ouvrière, mot impie, sordide…’ : Le discours de l’économie politique française sur les ouvrières (1840-1860) », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 83, 1990, pp. 2-15.

– Verjus (Anne), Le Cens de la famille. Les femmes et le vote, 1789-1848, Paris, Belin.

 

Annexe 1. L’évolution des répertoires d’action collective – 17e-20e siècles (Charles Tilly)

 

Dans la France des années 1650-1850

Modèle communal patronné

Dans la France des années 1850-1980

Modèle national autonome

1. Emploi fréquent de moyens d’actions normalement réservés aux autorités, pour les ridiculiser, ou pour s’y substituer au nom du bien de la communauté.

Exemples : réquisition de grains (émeutes dites « de subsistance »), invasions collectives de champs, actes de justice populaire

1. Emploi de nouveaux moyens d’action relativement autonomes auxquels les autorités n’ont jamais ou rarement recours, pris en charge par des organisations ad hoc : syndicats, associations.

Exemples : grèves, manifestations, pétitions.

2. Défense d’intérêts généraux de corporations ou de communautés davantage que d’intérêts particuliers.

Exemples : sabotages de machines, luttes contre la clôture des terres communales, expulsions d’agents du fisc, batailles rangées entre villages, grèves par corps de métiers.

2. Défense fréquente d’intérêts spécifiques par des groupements ou associations dont le nom même constitue le programme (Union populaire pour …, Association de défense de …).

Exemples : associations de la loi de 1901, syndicats, groupes d’intérêt, grèves d’entreprise plus que de « métier ».

3. Recours à de puissants patrons pour redresser les torts, représenter la communauté vis-à-vis de l’extérieur.

Exemples : recours au prêtre, au noble comme intercesseurs.

3. Défis directs aux autorités et aux concurrents, surtout aux autorités nationales, plutôt que recours au patronage.

Exemples : insurrections programmées, occupations de bâtiments publics, séquestrations, invasions d’assemblées officielles.

4. Prédilection pour les fêtes et rassemblements autorisés comme cadres d’expression des doléances.

Exemple : cortèges tendancieux lors de fêtes (le carnaval de Romans analysé par Le Roy Ladurie[1]), charivaris.

4. Organisation délibérée d’assemblées chargées d’articuler les revendications.

Exemples : assemblées générales, organisation d’états généraux de…

5. Expression répétée de doléances et revendications sous forme symbolique (effigies, pantomimes, objets rituels).

Exemples : pendaison de mannequins, le «  massacre de chats »  analysé par Darnton, charivaris[2]

5. Déploiement de programmes, de slogans, de signes de ralliement (formes intellectualisées et abstraites).

Exemples : campagnes ouvrières pour la journée de 8 heures, logos, mots d’ordre nationaux, plates-formes.

6. Rassemblement sur les lieux mêmes de l’injustice, au logis de ses responsables, par opposition aux sièges et symboles du pouvoir public.

Exemples : charivaris, sacs de maisons privées et de résidences aristocratiques.

6. Action sur les lieux les plus susceptibles d’attirer l’attention.

Exemples : organisation de grandes manifestations à Paris, mobilisations médiatiques.

Tableau réalisé à partir de Tilly (Charles), La France conteste de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, de Neveu (Erik), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 1996, p. 23 et d’Offerlé (Michel), Sociologie des groupes d’intérêts, Paris, Montchrestien, coll. « Clefs », 1998, p. 106-107.

 

Annexe 2. Grèves, grévistes & journées de grève en moyennes quinquennales (1865-1938)

 

Années Grèves Grévistes Journées de grève
1865-1869

1870-1874

1875-1879

1880-1884

1885-1889

1890-1894

1895-1899

1900-1904

1905-1909

1910-1914

1919-1923

1924-1928

1929-1933

1934-1938

63

84

84

192

180

373

469

706

1 102

1 167

1 213

977

659

4 301

26 937

27 235

28 711

63 967

46 961

100 224

84 673

188 216

216 125

232 134

698 200

237 600

205 600

858 000

105 006

328 416

734 306

579 383

1 642 444

1 361 924

3 334 907

4 211 881

3 131 189

10 744 800

3 480 800

2 913 400

Source : Sirot (Stéphane), La Grève en France. Une histoire sociale (19ème siècle-20ème siècle), Paris, Odile Jacob, 2002, p. 28.

 

Annexe 3. Grèves, grévistes & journées de grève en moyennes quinquennales (1946-1975)

 

Années Grèves Grévistes Journées de grève
1946-1950

1951-1955

1956-1960

1961-1965

1966-1970

1971-1975

1650

2035

1805

2037

1999

3756

3 120 600

1 415 800

1 413 800

1 381 420

1 593 900

2 089 475

11 009 800

3 893 400

1 937 800

2 794 800

32 138 520

3 861 320

Source : Sirot (Stéphane), La Grève en France. Une histoire sociale (19ème siècle-20ème siècle), Paris, Odile Jacob, 2002, p. 33.

 

Annexe 4. Grèves, grévistes & journées de grève en moyennes quinquennales dans les entreprises privées & publiques nationalisées (1976-2000)

 

Années Grèves Grévistes Journées de grève
1976-1980

1981-1985

1986-1990

1991-1995

1996-2000

 

3500

2595

1826

1672

2003

 

1 581 420

503 640

358 800

47 3480

164 279

3 241 580

1 509 660

970 160

866 140

527 894

 

Source : Sirot (Stéphane), La Grève en France. Une histoire sociale (19ème siècle-20ème siècle), Paris, Odile Jacob, 2002, p. 33.

 

Annexe 5. Nombre de manifestations recensées par la Préfecture de police

 

Année Nombre de manifestations Années Nombres de manifestations
1975 312 1989 1 334
1976 264 1990 1 523
1977 223 1991 1 451
1978 205 1992 1 513
1979 246 1993 1 311
1980 274 1994 982
1981 312 1995 1 128
1982 799 1996 767
1983 729 1997 1 297
1984 627 1998 1 408
1985 588 1999 1 768
1986 400 2000 1 430
1987 398 2001 1 461
1988 633 2002 1 358

Source : Tartakowsky (Danielle), La Manif en éclats, Paris, Hachette, 2004, p. 14.

 

Annexe 6. La construction historique d’un fait social total – Récapitulatif des « trois âges de la grève » (Stéphane Sirot)

 

1er âge de la grève (1791-1864) :

Marginalisation

2ème âge de la grève

(1864-2ème guerre mondiale) : Banalisation

3ème âge de la grève

(Après 2ème guerre mondiale) :

Fait social total

Figure centrale du conflit Prolétaires Ouvriers Salariés
Acteurs revendicatifs Gens de métier, corporations Ouvriers d’usine, syndicats (encadrement syndical croissant des protestations) Le salariat moderne ! monde ouvrier, employés, fonctionnaires, etc.
Cibles de la protestation Le patron Le patronat Le patronat & l’Etat
Statut légal Fait « coupable », illégalité, interdiction Reconnaissance partielle d’un droit, légalisation des syndicats Droit constitutionnel,

institutionnalisation, intégration

Rôle de l’Etat

Réprimer et punir Arbitrer et apaiser Prévenir et réguler
Dimension et lieu d’expression Pression locale (ateliers), action directe Usine, piquets de grève, etc. « Nationale », la rue (manifestations, cortèges, etc.)
Expression du conflit gréviste Violence sporadique, spontanée Négociation partielle + répression patronale Négociation, gestion, prévention, forclusion de la violence

Revendications

Salaires Salaires, limitation de la durée du travail Salaires, droits sociaux, revendications « qualitatives » ou « régulatoires »

Tableau construit à partir de Sirot (Stéphane), La Grève en France. Une histoire sociale (19ème siècle-20ème siècle), Paris, Odile Jacob, 2002.

 

[1] Le Roy Ladurie (Emmanuel), Le Carnaval de Romans, Paris, Gallimard, 1979.

[2] Darnton (Robert), Le Grand massacre des chats, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1984.