Envoyé en premier lieu à l’ensemble des étudiants du département de Sciences sociales à partir du 8 avril, le lien vers l’enquête en ligne est resté actif un mois, avec une relance à mi-parcours. Il a été transmis aux mêmes périodes, par l’intermédiaire de collègues, aux étudiants des autres départements de philosophie, sciences de l’éducation et psychologie composant l’UFR SHSP, et plus marginalement aux étudiants d’autres UFR (lettres, arts, droit, sciences, notamment). À la date de clôture de la phase de collecte, on dénombrait 671 répondants. L’échantillon est substantiel mais ne saurait être tenu pour représentatif : compte tenu des choix et modes de passation, certaines composantes sont fortement surreprésentées par rapport à la composition des étudiants de l’UPJV, comme les sciences sociales [1] (27%), la psychologie (31%) et les sciences de l’éducation (12%) (graphique 1). Ce biais d’échantillonnage est lié tout d’abord aux choix et modes de diffusion : listes officielles constituées sur moodle et relances directes par les enseignants pour la mention sciences sociales (tous niveaux d’études confondus) et pour la mention sciences de l’éducation en L1 dans laquelle les enseignants sociologues, ethnologues ou démographes interviennent (enseignements de portail L1), alors que seuls certains enseignants ont été sollicités et ont collaboré à l’enquête dans d’autres composantes, sur la base de réseaux d’interconnaissance entre enseignants. Ce choix a été délibéré, pour faciliter la passation et ne relève en aucun cas d’une logique de mise à l’écart de certaines disciplines ou organisations de l’UPJV. Il se peut également que le lien ait été diffusé par les étudiants eux-mêmes, via leurs réseaux sociaux.
Graphique 1. Composante ou UFR d’inscription des répondants
L’inégale familiarité des étudiants vis-à-vis des enquêtes par questionnaire peut également expliquer ces différences d’effectifs de répondants : par exemple, les étudiants de sciences sociales (ou de psychologie) sont très familiers de ce format et ont pu y trouver un intérêt pédagogique plus évident que ceux d’autres départements.
En revanche, aucune explication simple, complétant celle de la féminisation des filières en sciences humaines (environ 70% à l’échelle nationale[2]), ne permet d’interpréter, à ce stade de l’analyse, l’énorme surreprésentation des femmes : elles représentent 82% de l’échantillon.
Autre biais caractéristique de ce type d’enquête réalisée par des enseignants en direction des étudiants, pour laquelle la participation est fondée sur la base du volontariat : il est plus que probable que ceux qui ont répondu sont ceux qui sont le plus en prise avec l’institution ; ceux qui ont pu et su maintenir leur implication dans les études. L’enquête laisse donc dans l’ombre les étudiants les plus désaffiliés.
En termes de niveau d’inscription (graphique 2), les étudiants de licence – presque tous en formation initiale – représentent 78 % de l’échantillon, les licence 1 constituant à eux seuls un tiers des répondants.
Graphique 2. Niveau d’inscription des répondants
Certes, ce premier cycle de formation présente les effectifs les plus importants. Néanmoins, que les étudiants de licence aient répondu si nombreux est une satisfaction, puisqu’ils sont souvent considérés comme ayant le lien le plus fragile à l’institution universitaire. A défaut d’être représentative des étudiants de l’UPJV dans leur ensemble, la population étudiée est suffisamment variée pour permettre de saisir nombre d’enjeux relatifs au confinement et à l’enseignement à distance. Le constat général, détaillé dans cette synthèse, est le fort contraste entre les situations moyennes ou très fréquentes et celles de marges, numériquement plus ou moins importantes, qu’il ne faut pas exclure de l’analyse. A titre d’illustration : si l’essentiel des étudiants de l’UPJV est globalement bien équipé d’un point de vue informatique et a un accès convenable voire bon à internet, quelques-uns travaillent exclusivement sur leur téléphone portable et n’ont qu’un accès intermittent à internet. Nous y reviendrons.
Les variables sur les origines sociales (profession du père et de la mère) sont imparfaitement renseignées : l’information sur la profession du père est manquante pour un quart des cas, cette proportion étant de 17% pour la profession de la mère.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, brossons un très schématique portrait de la population des étudiants ayant répondu au questionnaire : retenons que ces étudiants sont pour l’essentiel des étudiantes. L’étudiante médiane a 20 ans. Elle a un frère ou une sœur. Un quart en a deux ou plus, le maximum s’établissant à 12. Cette étudiante est boursière dans un peu moins de deux cas sur 3 (408 étudiants, soit 61% des répondants ont une bourse sur critères sociaux).
Le recrutement social des répondants est plus populaire que celui de l’ensemble des universités françaises. La proportion de pères membres des classes moyennes et supérieures (26% de cadres et 18,9% de professions intermédiaires) est inférieure à la moyenne nationale (respt. 34,1% et 14,4%[3]). À l’inverse, on constate une sur-représentation des enfants issus de catégories populaires : 12% ont un père employé et 31% un père ouvrier, contre 15,6 % et 11,7% pour l’ensemble des étudiants inscrits dans une université française (tableau 1).
Tableau 1. Origines sociales des étudiants de l’UPJV (en % des PCS déclarée[4])
Professions et catégories sociales | PCS du père | PCS de la mère |
Agriculteur exploitant | 2,40% | 0,40% |
Artisan commerçant, chef d’entreprise | 9,50% | 4,40% |
Cadre et professions intellectuelles supérieures | 26% | 13,70% |
Profession intermédiaire | 18,90% | 18,60% |
Employé | 12% | 43,30% |
Ouvrier | 31% | 9,50% |
Inactif (au foyer, invalidité etc.) | 0,20% | 10,10% |
Total | 100 | 100 |
L’origine sociale des répondants varie cependant selon qu’on la mesure par la profession du père ou de la mère. Les mères des enquêtés sont plus souvent inactives (au sens de l’Insee) et exercent des métiers peu qualifiés : 52,8% sont employées ou ouvrières.
L’importante proportion de boursiers laisse par ailleurs supposer une surreprésentation des étudiants d’origine populaire parmi ceux qui n’ont pas renseigné la profession des parents, renforçant le constat d’une forte ouverture de l’UPJV aux étudiants issus des catégories sociales les moins bien dotées économiquement.
Enfin, 23 % travaillent à côté de leurs études. Plus de la moitié de ces étudiants salariés n’a pas pu assurer son emploi pendant le confinement mais certains ont fait davantage d’heures que d’habitude. Nous y revenons en détail dans la dernière partie de cette synthèse.
[1] On remarquera par ailleurs que les échelles administratives retenues pour opérer les regroupements dans le graphique 1, sont variables et vont de la composante à l’UFR. Une remarque sur le croisement avec certaines variables, comme la composante d’inscription : il n’est pas possible eu égard à la composition et aux effectifs de la population d’étude. Ce n’était d’ailleurs pas souhaité par les concepteurs de l’enquête, qui ne participent en aucun cas à un audit sur les performances différentielles des différents UFR en matière de continuité pédagogique.
[2] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T173/la_parite_dans_l_enseignement_superieur/
[3] Source : ministère de l’Éducation nationale – Données 2017-2018 – © Observatoire des inégalités. https://www.inegalites.fr/Les-milieux-populaires-largement-sous-representes-dans-l-enseignement-superieur?id_theme=17
[4] Point d’importance : les retraités ont été inclus dans les calculs sur la base de la profession qu’ils exerçaient avant leur départ en retraite.
Lien vers l’enquête complète: http://amiens-sociologie.fr/index.php/enquete-sur-le-confinement-des-etudiants-de-lupjv/