L’une des questions ayant motivé la réalisation de ce questionnaire était la suivante : en situation de crise sanitaire et pendant la mise en œuvre de la continuité pédagogique, combien d’étudiants sont-ils tombés malades ou ont-ils eu un proche touché par le virus ? Ils sont 22 (3,3%) à déclarer avoir développé des symptômes du Covid-19, pendant que 28,3% déclare ne pas savoir s’ils ont été infectés ou non. La prévalence avérée du virus est donc faible. Ce résultat est également à relier à la politique française de dépistage en mars-avril 2020 : un certain nombre des étudiants qui ont répondu « ne pas savoir » s’ils avaient eu le Covid-19 décrivent, dans la question consacrée aux autres pathologies subies pendant le confinement, des syndromes grippaux pouvant évoquer ce virus : ils ont donc fait preuve d’une certaine prudence déclarative. Les récits associés au Covid-19 (question ouverte), parfois très détaillés, soulignent l’incapacité à suivre les cours pendant cette maladie.
Les étudiants répondants sont peu nombreux à avoir contracté le Covid-19, mais le virus est présent dans leur vie et leurs préoccupations quotidiennes. Ils se le représentent comme une menace importante : alors qu’il leur était demandé d’évaluer, sur une échelle de 1 à 10, leur inquiétude relative à une contamination par le Covid-19 (graphique 5)[1], un tiers a répondu 7 ou 8 et plus de 10% 9 ou 10. Cette crainte trouve un terrain favorable dans la contamination de certains proches : 22,7% des étudiants disent avoir eu des proches contaminés. La notion de « proche » est vague et c’est précisément ce qui en fait l’intérêt, notamment pour des études ultérieures[2]. Le degré de proximité de ces cas de contagion est extrêmement variable mais les membres de la famille et les amis proches sont nombreux et certains relatent le choc psychologique lié à la mort de grands parents, de parents ou de connaissances plus ou moins proches.
La focalisation médiatique et institutionnelle sur le Covid-19 ne doit pas faire oublier les autres problèmes de santé : pendant cette période, 24% déclarent avoir eu des problèmes de santé autres que le Covid, allant du rhume, de crises d’eczéma à des maladies chroniques (diabète ou maladie de Crohn par exemple) plus ou moins graves, en passant, le plus souvent, par des problèmes psychologiques. Nombre d’étudiants évoquent des syndromes anxieux, dépressifs, ou des crises d’angoisse attribuées notamment au confinement, à la solitude et à la peur de la contamination par le coronavirus. Ces difficultés psychologiques liées à l’épidémie et au confinement, et leurs implications sur les études, ne doivent pas être minorées.
Graphique 5. Degré d’inquiétude de contracter le Covid-19
Une certain nombre de déclarations viennent incarner ces angoisses, parmi lesquelles : « personnellement, c’est extrêmement stressant. Que ce soit pour les courses (d’un point de vue économique), pour les études (valider et trouver un master) pour la santé de mes proches et la mienne… d’autant plus que j’ai eu un décès suite à ce virus dans ma famille. Je dors très mal la nuit, par conséquent, la journée j’essaie de me reposer, mais je ne travaille pas… » (sic).
Associée à la situation de confinement, cette inquiétude de la contagion, exprimée très clairement par certains dans leurs réponses libres, se traduit par un fort stress, des difficultés de sommeil et surtout, fait massif, par une difficulté à se concentrer (graphique 6). Bien loin d’un temps libéré, propice à la réflexion et à l’introspection, nombre d’étudiants ont plutôt fait l’expérience de l’ennui et d’une incapacité à finaliser leur temps. En termes relationnels, on relève la fréquence de situations polaires (et pourtant parfois exprimées par le même enquêté) : l’augmentation des tensions avec les co-confinés (33%) et un sentiment de plus grande proximité avec eux (44%).
Graphique 6. Dans cette période de confinement et par rapport à la situation antérieure vous…
Si l’inquiétude face au virus est manifeste, celle concernant l’avenir (graphique 7), particulièrement les études, est plus intense encore : 60% se déclarent très inquiets (plus de 8 / 10 sur l’échelle de l’inquiétude) quant à leurs études.
Graphique 7. Degré d’inquiétude relative aux études
Les causes majeures d’anxiété sont nombreuses, et certaines viennent se surajouter aux incertitudes engendrées par les mouvements de grèves contre le projet de réforme des retraites et contre les orientations prévisibles de la future loi de programmation pluri-annuelle de la recherche, notamment la rétention des notes du premiers semestre, souvent évoquées, particulièrement par les étudiants de Licence. Les inquiétudes concernent au premier chef la question de l’évaluation, comme l’exprime cette déclaration :
« J’aimerais vraiment (et je pense que je suis loin d’être la seule) avoir plus d’informations sur comment nous allons être évalués… Même si aucune décision n’est prise, au moins avoir connaissance de ce qui pourrait éventuellement se mettre en place. Difficile de travailler et de se concentrer en cette période plus qu’incertaine, alors devoir rajouter à cela le stress de se diriger vers l’inconnu n’aide en rien… Bon courage pour la suite du confinement, prenez soin de vous et de vos proches. »
Les inquiétudes sur l’évaluation concernent celle du second semestre (76,2% des répondants), l’organisation des sessions de rattrapage du premier semestre (51,3%) et la validation de l’année (74,3%). Autre motif récurrent d’angoisse : les incertitudes relatives aux stages (report et annulation notamment), parfois précisées dans les questions libres et qui se traduisent par la peur d’arriver peu préparé sur le marché du travail. Les craintes sont aussi parfois plus génériques et moins définies : s’exprime ainsi une appréhension générale sur « l’orientation future et l’avenir en général » (51,5%), qui se décline chez les étudiants de licence inscrits dans des disciplines particulièrement sélectives, par la crainte de rester à la porte des masters. Dans certaines filières, la peur de ne pas obtenir à temps le titre permettant d’exercer, est source d’anxiété. Enfin, la peur de « ne pas y arriver », les difficultés liées au fait de travailler seul ou encore le fait de ne pas avoir fait le programme concernent un quart à un tiers des répondants.
[1] Ce résultat est nettement tranché, même si la question, « Si vous deviez évaluer votre niveau d’inquiétude concernant le risque de contracter le Covid-19, à combien s’établirait-il? » souffre d’une certaine ambivalence : l’angoisse peut être référée par les uns au risque de contagion, par d’autres à la sévérité de la maladie elle-même.
[2] On peut d’ailleurs se demander si cet épisode de crise n’a pas été, dans une certaine mesure, un moment de réouverture ou de redéfinition des frontières de la proximité familiale : on relève dans les questions ouvertes sur le sujet plusieurs mentions de grands oncles et grands tantes.
Lien vers l’enquête complète: http://amiens-sociologie.fr/index.php/enquete-sur-le-confinement-des-etudiants-de-lupjv/