Du point de vue des équipements informatiques, on constate de fortes disparités entre des étudiants en majorité équipés d’un ordinateur personnel à usage exclusif et d’autres qui, ou bien n’ont eu accès, pendant le confinement, qu’à un ordinateur familial partagé avec d’autres personnes (N = 51, soit 7,6 %) ou bien n’ont consulté internet et travaillé que sur leur téléphone (N = 41, soit 6,1%). L’imprimante est moins répandue : près des deux tiers des étudiants n’en ont pas. Quant à la connexion à internet, si plus de 4 étudiants sur 5 disposent d’une connexion en permanence et 12% de manière intermittente, elle n’est de bonne qualité (permettant de télécharger de gros fichiers et de visionner des vidéos) que dans un peu moins de la moitié des cas et « mauvaise » dans 12%.
Les inégalités en matière d’équipement informatique et d’accès à internet redoublent les inégalités économiques entre les étudiants. Appelés à évaluer le confort de leur situation financière sur une échelle de 1 à 10 (graphique 12), 36,7% ont répondu moins de 5, la position modale (la plus répandue) étant de 7 (16,8%), et 19% (niveaux 9 et 10) déclarent ne pas avoir de difficultés financières. Les principales difficultés que rencontrent les étudiants les moins aisés concernent le paiement du loyer et des charges (49,1%), l’achat de nourriture (35,7%) – 8 étudiants ont bénéficié des bons d’achat alimentaire en remplacement du restaurant universitaire –, le paiement d’internet ou des transports (environ 19%) et enfin le remboursement des dettes, notamment des prêts étudiants 11,3%.
Graphique 12. Auto-évaluation par les étudiants de leur situation financière
En termes de sources financières (graphique 13), 408 étudiants (61% des répondants) ont une bourse sur critères sociaux, souvent cumulée avec des aides familiales (66%), des aides au logement (46%), et un job étudiant (21,6%), parfois mais plus rarement, des économies issues de jobs d’été ou des allocations de retour à l’emploi. Sur la composition de ces revenus, une analyse plus détaillée viendra dans un deuxième temps de l’exploitation des données.
Graphique 13. Ressources financières des étudiants interrogés
Le confinement a eu une incidence variable sur cette situation financière (graphique 14). Pour 48% des étudiants de l’UPJV, il ne l’a pas changée significativement mais plus d’un tiers fait face à une situation financière dégradée, un peu ou fortement.
Graphique 14. Diriez-vous de votre situation financière qu’elle s’est dégradée avec le confinement ?
Parmi les répondants, 23% occupe un emploi à côté de leurs études, et travaillent en moyenne 16,3 heures par semaine (médiane à 14,5). Mais 14% des étudiants ne peuvent plus assurer leur travail salarié (graphique 15) – soit 60% des étudiants ayant un emploi –, ce qui dégrade leur situation financière, dans des proportions variables. La moyenne d’heures hebdomadaires travaillées est passée de 16,3 à 8 en moyenne.
La situation financière de certains étudiants s’est cependant améliorée, ou bien parce que le retour au foyer familial a réduit les frais de la vie quotidienne, ou bien parce que le confinement a signifié l’augmentation du volume de travail salarié, réduisant de ce fait le temps et l’énergie disponibles pour les études. Les 18 étudiants qui ont augmenté leurs heures de travail, parfois de manière contrainte, travaillent en moyenne 20 heures de plus qu’avant le confinement.
Graphique 15. Avez-vous une activité rémunérée à côté des études?
Ceux qui ont gardé une activité sont le plus souvent (56,5% des cas) dans des métiers en contact avec le public (hôte ou hôtesse de caisse, grande distribution, personnel soignant etc.), et donc particulièrement exposés au risque de contagion. Mais un peu plus d’un tiers d’entre eux peut télé-travailler. On constate donc, au sein même de la population des étudiants salariés, de fortes disparités de situation, par rapport aux études, et au risque potentiel de contagion par le virus.
Conclusion : L’enquête menée auprès des étudiants donne un tableau général des modes de confinement et d’études auxquels ils ont été confrontés. Elle permet de mieux connaître et mesurer, dans une situation de crise inédite, les effets et incidences, sur les conditions de vie et de réussite des étudiants enquêtés, des cours et des évaluations qui ont été menés à distance. Ces premiers résultats attestent de la complexification des situations d’apprentissage à laquelle ont été aux prises les répondants, voire d’un creusement des inégalités sociales dans l’accès et le maintien aux études supérieures. Les observations précédentes plaident pour un usage réfléchi et prudent des formes d’enseignement à distance, qu’elles soient totales ou hybrides. Un traitement approfondi des données sera effectué et permettra d’apporter davantage d’informations. Par ailleurs, l’enquête s’est inscrite dans un exercice de continuité pédagogique, à destination au premier chef des étudiants, et pourra être transformée en matériel à usage pédagogique l’an prochain.
Lien vers l’enquête complète: http://amiens-sociologie.fr/index.php/enquete-sur-le-confinement-des-etudiants-de-lupjv/